Grasset 2001
Par petites touches successives, Charles Dantzig esquisse une certaine idée de l’époque dans Nos vies hâtives, son deuxième roman. Ses saynètes mordantes, juxtaposées sans cohérence apparente, constituent de fait un réseau souterrain de situations et de personnages, comme un puzzle subtil à recomposer par le lecteur.
Avec humour et fantaisie, il croque une attachée de presse désabusée, un journaliste nombriliste, un milliardaire dépressif, un mannequin intello. Dans Nos vies hâtives, les fêtards repentis finissent dans les cafés philo, consomment du prêt à penser ; les fils de mannequins sur le retour s’engagent comme mercenaires en Afrique. Echapper à l’ennui semble l’unique préoccupation de ces héros ratés qui comblent le vide en supprimant les bancs publics ou en imposant le «Situation», une dictature absurde. Mais au fond, les personnages n’y sont que des pantins désincarnés avec lesquelles Dantzig s’amuse, jouant à l’envie avec les mots. Derrière le romancier, le poète, qui use de tous les procédés d’écriture : la notule de bas de page vient signer le contrepoint du texte, les feuilles blanches disent l’absence, les lignes nues s’étranglent de mots.
Et surtout, Charles Dantzig a ce sens aigu de la petite phrase, qui nous rendrait presque aimables les bourgeois déclassés, les stars christiques et autres personnages absurdes de son roman, protagonistes trop empressés de vivre pour se rendre compte de leur ridicule. Finalement, ils n’ont que peu d’importance, et comme le dit l’auteur, «N’en faisons pas un drame, puisque c’est une tragédie».