Charles Dantzig est né à Tarbes dans une famille de professeurs de médecine. Après le lycée, sa passion pour la littérature l’éloigne du parcours habituel de la « reproduction », mais aussi de la voie d’hypokhâgne qui lui était pourtant ouverte. Il clôt ses études universitaires par un doctorat sur les « libertés de l’air ». Il ne s’agit pas d’un recueil de poésie, mais d’une étude sur les droits de trafic que les États accordent aux compagnies aériennes. Que pense-t-il de la faculté de droit de Toulouse ? « La meilleure, car j’ai pu y passer ma première année à lire pour la première fois À la Recherche du temps perdu. » Tout en achevant sa thèse, Dantzig s’est installé à Paris. À 28 ans seulement, il publie son premier livre, un essai sur Remy de Gourmont, écrivain et éditeur majeur de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, en même temps que son premier livre de poèmes, Le chauffeur est toujours seul. Il est salué par les grands critiques du moment.
Des essais originaux, des poèmes lyriques qui dansent avec la gravité, plusieurs romans où le brio le dispute à l’inventivité, Dantzig fait le bonheur de ses lecteurs avec son style plastique et une vivacité empreinte de gravité ; n’a-t-il pas écrit un texte intitulé: « L’éternel combat de la tristesse et de la gaieté » ?
« Un événement »
Le Dictionnaire égoïste de la littérature française, publié en 2005, est l’événement littéraire de l’année. Salué en France et à l’étranger, où le phénomène de son succès est analysé de l’Amérique au Japon, il fait de Charles Dantzig un incontournable de la littérature contemporaine. Obtenant cinq prix, dont le prix Décembre et le prix de l’Essai de l’Académie Française, le livre est né du projet fou d’un auteur qui passait la trentaine : rédiger un dictionnaire de littérature entièrement original qui donnerait son point de vue personnel et honnête sur la littérature – honnête parce qu’il serait personnel. Résultat de plusieurs années de travail, cette œuvre de 1000 pages qui ne ressemble à aucune autre mêle des notices sur des auteurs, des œuvres, des personnages de fiction et des notions. « Un chef-d’œuvre. C’est le livre que j’aurais voulu écrire », a écrit Bernard Frank dans Le Nouvel Observateur, tandis que d’autres le reconnaissent pour « un événement » (Etienne de Montety, Le Figaro Magazine), y trouvent « une mine d’intelligence » (Jacques Folch-Ribas, La Presse de Montréal) et « l’art de faire partager ses amours » (Yves Harté, Sud-Ouest). L’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien (2008) fait revivre la même liberté de ton et le plaisir d’une organisation apparemment hétéroclite et en réalité très savante. Ce bréviaire d’imagination, tout autant essai que fiction ou poème en prose, est exclusivement constitué de listes : « liste des plages à sept heures », « liste des nuages », « liste de la mode à Londres », « liste de livres que j’aurais pu écrire », « liste d’animaux tragiques »… Jouant tour à tour de la sentence et de l’observation la plus intime, Dantzig passe avec prestesse de ce qui intéresse tout le monde à ce qui l’intéresse, lui. Par ce livre, il a fait son tour du monde en 800 pages de listes, et, mêlant l’observation de la vie et les incursions dans la sensibilité, il a révélé son royaume. « C’est merveille de voir ce Tristram Shandy du XXIe siècle, débordant de verve, sortir sans relâche de sa manche d’éblouissantes colombes », dira L’Express, et selon La Règle du jeu : « L’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien est son chef-d’œuvre. Ce n’est que par conformisme qu’on pourrait croire que ce livre est un essai, il faudrait, en fait, le lire comme un roman dont le narrateur est perdu dans un immense maelström de sensibilité. Le premier roman sans personnage. » Pour le Corriere della Sera : « Un livre étrange, suprêmement beau, infini. »
Le style Dantzig
« Notre Chamfort ? Mais c’est aussi notre Fargue, Cocteau, Morand. C’est Dantzig. » (Le Figaro littéraire) Dantzig, c’est une voix élégante, une culture comme il y en a peu mais qui ne pèse jamais, car il est aussi un homme d’esprit. Son essai Pourquoi lire ? (2010), lui a valu le prix Jean Giono pour l’ensemble de cette œuvre en tremblé dont il a le secret. « Charles Dantzig, l’homme-livre », pour Les Échos, et selon le Times Literary Suplement de Londres : « Ce livre est une méditation passionnée, vaste, et parfois pleine d’humour. » En 2013, Charles Dantzig publie un nouvel essai dans la collection Bleue de Grasset qu’il a rendue si fameuse par ses succès, À propos des chefs-d’œuvre. Mêlant l’analyse la plus érudite, la confession la plus intime et, parfois, la fiction, il a su une nouvelle fois inventer un objet littéraire inattendu. Sans même dire que c’est le premier livre sur la notion de chef-d’œuvre en littérature.
La poésie
Estimant qu’il n’existe pas plus de genres littéraires que de séparation entre les différentes formes de la création que sont la littérature, la peinture, la musique, la danse, Charles Dantzig n’a jamais cessé de publier des poèmes. Comme bien des écrivains, il a commencé par cela, mais comme de rares écrivains, il continue. Employant l’expression « livre de poèmes », il récuse pour lui-même la notion de recueil, composant des volumes originaux qui ne se contentent pas de rassembler des poèmes précédemment publiés de manière éparse, il leur donne parfois un thème unique, comme À quoi servent les avions ? (2001) livre où, peu avant les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, il imaginait la destruction des tours jumelles (« L’imagination est une forme de déduction logique au moyen des images. Me trouvant à New York au pied du World Trade Center, je me suis dit : « Quelle insolence ! Si quelqu’un voulait s’en prendre à ce pays, il détruirait ces gratte-ciel. ») Les nageurs (2011) est une ode au corps et à la sensualité masculine en 49 poèmes qui en a instantanément fait un livre gay « culte ». Patrick McGuinness, professeur à l’Université d’Oxford, a édité une anthologie des poèmes que Charles Dantzig a publiés entre 1991 et 2010, La diva aux longs cils (2011). La poésie de Dantzig peut faire penser à ce que seraient les vers d’Apollinaire retenus par la lucidité de Valéry. Du cœur à l’intelligence, de l’intelligence au cœur, cette oscillation marque l’usage toujours juste de formes régulières et de vers libres. C’est là la marque du Dantzig poète : y a-t-il une idée plus pure de la poésie que celui d’un battement de paupières ?
Les romans
Charles Dantzig romancier est un admirateur de Stendhal et de Pétrone. On a pu dire qu’il avait la liberté du dernier et la prestesse du premier. Nos vies hâtives (2001), composé d’histoires enchevêtrées, se fonde sur une esthétique de l’ellipse. Y sont organisés des « trous de narration » comme il peut précisément y en avoir dans le Satiricon de Pétrone. « J’ai essayé d’enlever l’inutile, et parfois même l’essentiel. Mon meilleur lecteur sera Sherlock Holmes. » Dans cette biographie du Paris moderne, on suit les aventures d’un écrivain, d’un mannequin, d’un couple si beau qu’il semble jalousé par le malheur, et on y apprend qu’il peut y exister des suicides par excès de bonheur.
Il est aussi l’auteur d’Un film d’amour (2003), à la brillante construction portée par la grâce du style, sur un jeune cinéaste disparu, entre Rome et la Californie. C’est une réflexion sur la place du génie dans le monde moderne, dans tout monde. Le roman est supposé être la retranscription d’un documentaire télévisé sur un jeune cinéaste disparu, Birbillaz. Chacun de ceux qui l’ont connu donne son point de vue. Qui l’aime sincèrement ? Qui se trompe ? Qui ment ? « Ce livre, intelligent de la première à la dernière ligne, on le prend d’abord pour une fantaisie formaliste avant de comprendre qu’il vise une sorte de totalité, comme tous les grands livres » (Jacques Drillon, Le Nouvel Observateur). Je m’appelle François (2007) est en partie inspiré de la vie d’un imposteur existant, transformée et transfigurée pour lui inventer un destin. Né à Tarbes, venu à Paris où, de coucherie en mensonge, il abuse une famille de grands bourgeois, François Darré trompera un instant Hollywood, avant de poursuivre sa carrière à Dubaï, « capitale du XXIe siècle ».
Dans Dans un avion pour Caracas (2011), Dantzig perfectionne son esthétique de la fuite (tous les héros de Dantzig fuient) dans une narration construite sur l’absence totale du héros. Un homme va chercher son meilleur ami, un célèbre écrivain, disparu au Venezuela. L’action se déroule entièrement dans un vol entre Paris et Caracas. L’ami disparu du narrateur est un de ces intellectuels typiquement français, à la lisière de la philosophie et de la fiction, que Dantzig appelle les « frôleurs de littérature ». Qu’est-il allé faire chez Hugo Chavez ? Portrait du dernier des engagés ? Portrait de l’amitié et de ses ambiguïtés ? Roman « dantziguien au possible » (Arthur Chevallier, La Revue des Deux Mondes) sur le statut du créateur dans la société actuelle et sur l’impossibilité d’écrire la biographie complète d’un homme, comme l’était déjà Un film d’amour ? Portrait d’un héros en l’absence du héros ? Qu’est-il advenu de lui ? On n’aura pas toutes les réponses, les questions suffisent souvent. Charles Dantzig est un ennemi du réalisme. « La littérature n’est pas la reproduction de la vie. Le réalisme n’est jamais qu’un idéalisme différent, l’idéalisation du morose » (Le Magazine littéraire, janvier 2012). Dans Le Monde du 18 mars 2012, il a publié une tribune intitulée « Du populisme en littérature », où il critique la contamination de la littérature par le souci du sujet, réalisme à son sens dangereux pour sa vocation esthétique. Cette tribune a provoqué un débat littéraire d’ampleur. Plusieurs écrivains ont répondu, entraînant une vive polémique. « Du populisme en littérature » a été traduit dans de nombreux journaux étrangers.
Charles Dantzig a également traduit et préfacé deux grands écrivains, Oscar Wilde et Francis Scott Fitzgerald. Du premier, Aristote à l’heure du thé (1994) est la première publication en France de ses chroniques; L’Importance d’être Constant (2013) est présenté dans la version telle qu’elle a été jouée du vivant de Wilde, et non dans l’édition la plus souvent imprimée de nos jours, établie bien après sa mort d’après des dactylographies fragmentaires. Des livres et une Rolls est la première édition française des interviews de Francis Scott Fitzgerald (2013), de même qu’Un légume (1996) est la première traduction intégrale de son unique pièce de théâtre – Charles Dantzig a publié, aux Belles Lettres, la première édition française de ses poèmes, Mille et un navires. Il a de plus dirigé une Anthologie de la poésie grecque classique (Les Belles Lettres, 2000).
Éditeur aux Belles Lettres jusqu’en 2000, Charles Dantzig y a créé la collection «Brique» de littérature contemporaine, la collection Eux & Nous, essais littéraires où de jeunes écrivains français racontaient leur écrivain antique de prédilection, la série des anthologies de nouvelles, et dirigé, entre autres, des ouvrages de référence telles les Œuvres de Marcel Schwob. Editeur chez Grasset depuis 2000, il y publie des auteurs français, francophones ou étrangers (comme Truman Capote, dont il a publié et préfacé le roman inédit, La Traversée de l’été), ainsi que des biographies de référence (sur Irène Némirovsky, Jules Michelet…) ; ne s’étant mêlé qu’une fois de politique, cela a été pour publier le célèbre discours de Philadelphie de Barack Obama, De la race en Amérique, seule édition authentique (et bilingue, au texte établi par l’équipe de campagne du candidat) de cette importante intervention dont on a pu dire qu’elle avait fait emporter la victoire au futur président. Considérant que, outre ses évidentes qualités politiques, il était remarquablement écrit, Charles Dantzig, en tant qu’écrivain, a pu affirmer : « Ce discours, c’est le retour de la littérature en politique. » Charles Dantzig dirige également la prestigieuse collection des « Cahiers Rouges » où il réédite un fonds de « classiques modernes » de la littérature française et étrangère, auxquels il ajoute des raretés de génie, introuvables ailleurs.
Il collabore à des revues d’art et d’esthétique. En 2007, il a ouvert la série du « Petit pan de mur jaune » du musée du Louvre, en parlant de « la perpétuation des gestes » devant le tableau de Van Dyck, Les princes Charles-Louis et Rupert du Palatinat. Commissaire associé de l’exposition d’ouverture du Centre Pompidou-Metz, « Chefs-d’œuvre ? » (2011), il y interrogeait la notion de chef-d’œuvre en littérature, prémices de ce qui deviendra son essai À propos des chefs-d’œuvre. Il est un des écrivains intervenants dans la pièce de Christophe Honoré, Nouveau roman (2012).
Depuis 2011, il est producteur de l’émission Secret professionnel, sur France Culture.
Charles Dantzig a refondé le Stendhal Club en 2011. Ce cercle créé au début du XXe siècle avait disparu après quelques années d’une existence plus ou moins mythique. Le Stendhal Club compte douze membres à travers le monde et n’en accepte pas de nouveaux. C’est un club exclusivement littéraire voué à l’amour de la personne et de l’œuvre de Stendhal. Il publie une revue « éventuellement annuelle ».
Charles Dantzig est membre du prix Décembre, dont il assure la présidence pour les années 2012-2013.
En avril 2015, Charles Dantzig crée une collection et une revue internationale annuelle sous sa direction, chez Grasset. La collection et la revue portent le nom: « Le Courage« . Dans le premier numéro de la revue, des auteurs du monde entier parlent de la littérature et de la création en 2015. Ce qu’elles sont, les conditions qu’on leur fait, leurs héros, leur présent certain, leur avenir souhaitable. Dans un texte-manifeste, « Une porte s’est ouverte« , Charles Dantzig continue lui-même son combat contre le populisme en littérature. Des essais, des récits, des nouvelles, des poêmes des Etats-Unis, d’Italie, d’Haïti, du Liban, d’Israël, de France, que suit une insolente conversation sur la littérature par trois jeunes écrivains de vingt-cinq ans. « Une revue internationale, ouverte détendue. »
Ses livres sont traduits dans le monde entier, de l’Espagne à la Corée, de l’Italie à la Chine, de l’Allemagne à l’Ukraine.
ŒUVRES
romans
Dans un avion pour Caracas, Grasset, 2011 & Le Livre de Poche.
Je m’appelle François, Grasset, 2007 & Le Livre de Poche.
Un film d’amour, Grasset, 2003 & Le Livre de Poche.
Nos vies hâtives, Grasset, 2001 & Le Livre de Poche.
Confitures de crimes, Les Belles Lettres, 1993.
essais
À propos des chefs-d’œuvre, Grasset, 2013 & Le Livre de Poche
Pourquoi lire ?, Grasset, 2010 & Le Livre de Poche.
Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, Grasset, 2009 & Le Livre de Poche.
Dictionnaire égoïste de la littérature française, Grasset, 2005 & Le Livre de Poche.
La Guerre du cliché, Les Belles Lettres, 1998.
Il n’y a pas d’Indochine, Les Belles Lettres, 1995
Remy de Gourmont, Cher Vieux Daim !, 1990, nouvelle édition augmentée d’une préface, Grasset, 2008.
poèmes
Les nageurs, Grasset, 2010.
La Diva aux longs cils (anthologie 1991-2010), Grasset, 2010.
Bestiaire, Les Belles Lettres, 2003.
En souvenir des long-courriers, Les Belles Lettres, 2003.
À quoi servent les avions ?, Les Belles Lettres, 2001.
Ce qui se passe vraiment dans les toiles de Jouy, Les Belles Lettres, 1999.
Que le siècle commence, Les Belles Lettres, 1996.
Le chauffeur est toujours seul, La Différence, 1991
traductions
Francis Scott Fitzgerald, Un légume, théâtre, Les Belles Lettres, 1996, et Grasset, « Les Cahiers rouges », 2010 (édition complétée). Oscar Wilde, Aristote à l’heure du thé, chroniques, Les Belles Lettres, 1994, et Grasset, « Les Cahiers rouges », 2010 (édition complétée).
Oscar Wilde, L’Importance d’être Constant, précédé de «La première gay Pride», Grasset, «Les Cahiers rouges», 2013
Editions, préfaces
Les écrivains français racontés par les écrivains qui les ont connus, édition et préface («Les méfaits de l’idéalisme»), Les Belles Lettres, 1995
Martin Amis, Don Juan à Hull, préface, 1995
Prosper Mérimée, Lettres à Mme de Montijo, édition et préface («Le malheur d’avoir des amis»), Le Mercure de France, 1995
Alexandre Vialatte, Chroniques de «La Montagne», Bouquins/Robert Laffont, préface («L’éternel combat de la tristesse et de la gaieté»), 2000
Anthologie de la poésie grecque classique, édition, Les Belles Lettres, 2000
Remy de Gourmont, La Culture des idées, édition et préface («Gourmont, les bonnes années»), Bouquins/Robert Laffont, 2008
Patrick Dennis, Tante Mame, préface («On en voudrait dans la famille»), Flammarion, 2010
Bernard Frank, Le Dernier des Mohicans, préface («Le manège enchanté»), Les Cahiers rouges, 2011
Francis Scott Fitzgerald, Des livres et une Rolls, préface («Des débuts dans l’étourderie»), Grasset, 2013
PRIX
Charles Dantzig a reçu de nombreux prix littéraires prestigieux.
Son livre de poèmes Que le siècle commence a reçu le prix Paul Verlaine en 1996.
En 2001, son roman Nos vies hâtives a reçu le prix Roger Nimier et le prix Jean Freustié – seul livre à ce jour à avoir reçu concomitamment ces deux prix.
En 2005, le Dictionnaire égoïste de la littérature française a reçu cinq prix, dont le prix Décembre, le prix de l’Essai de l’Académie française, le Grand Prix littéraire des Lectrices de Elle, le Globe de Cristal du meilleur livre (décerné par l’ensemble de la presse française).
Son Encyclopédie capricieuse du tout et du rien a obtenu le prix Duménil à l’unanimité en 2009.
Il a reçu le Grand Prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre en 2010.